« Nous sommes profondément préoccupés quant aux risques liés à l’insertion dans notre réseau de télécommunications d’une entreprise ou entité détenue par un gouvernement étranger qui ne partage pas nos valeurs », s’est exprimé Chris Wray – directeur du FBI – devant la commission permanente du Sénat des États-Unis dédiée à la surveillance de la communauté du renseignement américaine. « Cela ouvre la voie à des possibilités de pression ou de contrôle sur notre infrastructure de télécommunications. Cet état de choses permettrait à des tiers de modifier ou extirper des informations de façon furtive », a-t-il ajouté.
Ces propos du directeur du FBI partagés par ceux de la CIA, de la NSA et d’autres agences de renseignement des États-Unis visaient Huawei et ZTE, des constructeurs d’équipements basés en Chine. Il y a en fait que depuis des années, ces derniers sont dans la ligne de mire des autorités américaines ; ils sont soupçonnés de collusion avec le parti communiste et d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois.
En 2012 en effet, un comité de la chambre de renseignement des États-Unis a ouvert une enquête sur l’implication de Huawei et ZTE dans une affaire d’espionnage. Les membres du comité avaient alors exprimé leur préoccupation à ce sujet dans une lettre envoyée aux dirigeants de Huawei. Ils y ont souligné leurs craintes quant aux liens que pourrait avoir la société avec le gouvernement chinois et l’existence d’une cellule qui représente les autorités au sein de la firme. Faisant suite à ces correspondances, la « House of Representatives Intelligence Committee » avait recommandé de ne pas autoriser ces dernières à participer aux appels d’offres publics et privés, invoquant des raisons de sécurité et d’espionnage.
L’année d’après, les deux entreprises se voyaient effectivement bannies des appels d’offres du gouvernement. Les interventions des dirigeants des agences de renseignement sont donc une sorte de redite qui, cette fois, cible le particulier, l’américain lambda. « Huawei est au courant des manœuvres du gouvernement qui visent à annihiler ses efforts pour conquérir le marché américain. Huawei jouit de la confiance de gouvernements et de consommateurs de 170 pays et ne pose pas plus de risques de sécurité qu’un fournisseur de services en technologies de l’information […] », a rapporté la CNBC des propos de Huawei.
Ce que l’on reproche le plus à un tiers peut se trouver être notre plus grosse tare
Les équipementiers chinois ne sont pas les seuls à faire les frais des manœuvres de bannissement du gouvernement des États-Unis. Kaspersky Labs – l’éditeur russe de solutions antivirus – est lui aussi dans l’étau, sevré de participation aux appels d’offres des agences gouvernementales américaines pour soupçons de connexions avec le Kremlin. De 2013 à 2017 pourtant, les publications qui font état d’intrusions d’agences de renseignement américaines pleuvent. Tout y passe : soupçons d’infiltration dans les serveurs du siège de Huawei, pose de portes dérobées dans les produits Cisco, collusion avec Intel dans le cadre du dossier sur le moteur d’administration ; la liste des méfaits attribués à la NSA est longue et bien documentée dans le dossier de la rédaction sur le projet PRISM.
— Quel commentaire faites-vous de la décision des États-Unis ?
— Que dire de l’Europe qui, jusqu’ici, semble s’être positionnée en spectatrice ?